"Champs de signes - Toile 3 " juin 2007
Installation Galerie Odile Ouizeman pour l'exposition Nomad's Land, Paris
fusain sur papier et sur mur, fil noir, bois, pinces métalliques
300 x 250 x 15 cm environ
Le simple et le complexe
Traduire la complexité infinie avec la plus grande simplicité, exprimer le maximum avec le minimum, dire l’infinitude au moyen des seules variations de la ligne : les Champs de signes de Thierry Amarger entraînent le regard dans un univers labyrinthique où se mêlent inextricablement le continu et le discontinu, la sensation de relief et celle de planéité, l’impression de régularité et celle de chaos aléatoire. Par le jeu des seules empreintes en mouvement de bâtonnets de fusains brisés, de diamètre variable, le tracé gris-noir des courbes aux trajectoires localement incertaines, mais globalement orientées, suggèrent le monde fractal qui trame l’univers de nos regards désorientés, de nos pensées erratiques, de nos réseaux de communication hybrides et ramifiés....
La répétition, mais dans la micro-différence, les signes comme expression d’énergies et de vibrations omniprésentes, le jeu des ombres mouvantes – favorisées par les superpositions / juxtapositions murales – et de l’enchevêtrement des fils en toile d’araignée : cet aspect hyper-complexe et pourtant globalement homogène des Champs de signes suscite le regard proche, le regard haptique, mais exige aussi la mise à distance pour « saisir » l’ensemble en une vue plane, aux antipodes de la vue proche qui révèle le relief des microdétails.
Le graphisme fait intervenir de multiples échelles de vision, conditionnées par une variété de rapports de proximité, au moyen d’un matériau et d’un dispositif simples dont la force consiste en l’expression directe de l’énergie vitale, du geste modulé, de la trajectoire inquiète de la main, de l’évolution du corps dans l’espace. L’esprit fractaliste des Champs de signes est avant tout l’expression versatile de la vie, de ses niveaux variables de sens et de densité, de ses trajectoires fluctuantes et de ses rythmes chaotiques.
Sans commencement ni fin, le tracé est ouvert, indéfiniment extensible dans l’espace ; il suggère une infinité potentielle de figures nouvelles, toujours continues, et pourtant simultanément toujours discontinues, ramifiées, erratiques. Les Champs de signes induisent un regard pluriscopique : la simplicité apparente, en chaque chose, est un leurre vite déconstruit. Le « fractal », finalement, c’est l’essence de la simplicité ordinaire ; il suffit de changer (simplement… ?) de point de vue pour le pressentir…
Jean-Claude Chirollet
Maître de conférences d’esthétique
Université de Strasbourg
Jean-Claude Chirollet a écrit, notamment, un livre sur l’art fractaliste : Art fractaliste. La complexité du regard, éditions L’Harmattan, coll. Champs Visuels, Paris, 2005.